intro...


Le moment parfait, le posé irréprochable, la veine d’eau prometteuse, la dérive sans dragage… autant d’éléments qui jalonnent les rêves du pêcheur à la mouche.
Et puis il y a cette combinaison plus ou moins aboutie de plumes, poils et autres morceaux de fils montés sur un hameçon, issue de son imagination… celle qui, à coup sûr, va tromper ses copines de jeux à nageoires : LA mouche !

Je l’ai montée sans certitudes mais plein d’espoir. Elle est mon œuvre, le fruit de mes observations, voire de mes expériences et lorsque je l’ai piquée dans la mousse hier soir, il était plus l’heure de la soupe à l’oignon que de l’apéro.

Mais, certains l’ont peut être remarqué, la vie est parfois faite de désillusions…voire de trahisons !
Sans plonger dans le défaitisme chronique, projetons nous dans un scénario ou le rêve n’est plus tout aussi parfait ...
arrivé sur mon terrain de jeux favoris, le premier réflexe de mon imitation est de tenter de tomber de ma boite avant même que je n’ai eu le temps de la saisir… dans l’eau ou dans un buisson, qu’importe, même si j'avais 12 sur 10 à chaque œil, peu de chances de la retrouver surtout si le courant l ’emporte direct 500m en aval !
…c’est pas bon, j’aime pas.
Mais, bon réflexe, je parviens à la l'attraper au vol avant qu’elle se taille et elle se retrouve solidement nouée au bout de ma pointe.
Planté au milieu de la rivière, le poisson de ma vie gobe sereinement à quelques mètres de moi ( j’idéalise exprès )… action !
Une main fermement agrippée au liège de ma canne favorite, l’autre maintenant délicatement le fruit de mes efforts de la veille, je suis légèrement voûté pour ne pas me faire repérer par l’adversaire… on dirait une photo de magasine de pêche… enfin je ne me vois pas, mais j’y crois!
La concentration est maximale, le degré supérieur m’amènerait probablement à l’évanouissement… il va falloir se décider à entamer une série de faux lancer pour pouvoir propulser puis déposer mon leurre avec précision et, si possible, discrétion.
La soie file dans les anneaux et le bas de ligne se déploie majestueusement, tout va très vite même si le temps semble s’être arrêté, nous sommes seuls au monde, moi et le poisson convoité.
Une tirée vers l’arrière, juste avant le shoot final, m’extrait de ce moment de grâce… et non, nous ne sommes pas seuls ! La mouche est là, pendue à cette branche d’aulne que je n’avais pas repéré… un sourire narquois déforme sa face en fil de montage 6/0 et trahi vraisemblablement ses intentions : à aucun prix elle ne lâchera cette branche !
Une angoisse terrible me pétrifie ( pourtant la pêche, ça détend non ? ! ), je ne fais plus un mouvement, j’ai le cerveau qui bouillonne… deux solutions : une discrète marche arrière me permettrait peut être de contraindre l’ignoble traitresse à descendre de son arbre… mais trop risqué.
Le poisson est si près de moi qu’il risque de prendre peur et de remonter la rivière jusqu’à sa source à toutes nageoires.
Deuxième possibilité : le coup de poignet sec qui viendra à bout de ce douze centième (sur lequel je compte tant d’habitude !) et qui libèrera en cassant, ma soie de l’étreinte malfaisante de cette foutue branche.
J’ai d’ailleurs une technique, que je ne dois pas être le seul à pratiquer, qui consiste à casser le fil après avoir repéré l’emplacement de l’imitation pendue dans les branches… je tente ensuite ma chance avec une nouvelle mouche sans avoir bougé de ma place puis récupère la première avant de repartir vers un autre poste… dans l’absolu, ça marche… mais bref.
C’est donc décidé, ce sera le coup sec.
Miracle ou coup de chance ( ou les deux ! ), ça décroche avec la mouche restée attachée à la pointe !!!
Je suis sauvé, le regard bienveillant des dieux de la pêche était posé sur moi… et puis cette mouche n’est pas si mauvaise après tout, elle est même belle…je l’aime, elle est la meilleure que j’ai montée à ce jour… alléluia !
Prise de vitesse, la soie se pose à la surface sans trop de délicatesse, mais, ça reste acceptable.
Acceptable si le bas de ligne n’était pas resté en suspend en l’air avec au bout, la mouche qui semble avoir décidé de planer indéfiniment.
Elle n'a pas envie de descendre, une légère brise la maintient dans l’espace et, comme si elle était capable de se diriger toute seule ( j’vais finir par y croire ! ), elle vient se poser sur la seule et unique branche de pas plus de 5 mm de diamètre qui surplombait toute la rivière et surtout, le poisson !
Il y a des situations qui force la grossièreté… celle la en est une.
…mais je vais essayer de m’abstenir.
Cette fois, c’est foutu… alors, foutu pour foutu, je tire comme un bœuf sur ma ligne… elle résiste, elle me regarde, tout les p’tits muscles de son hameçon sont tendus à bloc, elle s’accroche la pétasse (pardon…)… mais c’est qui l’plus fort, faut pas déconner quand même !!!
Enfin, elle lâche l’affaire… ou plutôt le bas de ligne lâche l’affaire… la totale, toute la longueur et je suis limite de prendre le retour de la soie en pleine poire.
La truite est barrée, of course, depuis un moment… et l’autre me regarde, avec son œil de bovidé, un filet de bave au lèvre… j’crois même qu’elle me parle… mais j’entend pas bien, ch’uis enervé ! ( pourtant la pêche… ça détend !... merde ! ).
Je ne ressemble plus du tout à une photo de magasine de pêche, planté comme un con au milieu de cette foutue rivière avec cette truitasse qui s’est barrée à la vitesse d’un mirage 2000 et toutes ces saloperies d’branches qui font qu’à nous emmerder quand on pêche et…surtout… cette malfaisante, cette ignominie, cette raclure de fond de basse cour qui me regarde, pendue comme une pauvre conne sur l’autre rive !!!
…elle peut crever, j’vais pas me foutre à la baille pour aller la chercher… elle a voulu planer, elle a plané… ‘spèce de…............... PLANANTE ! 


2 commentaires:

  1. Je m'y vois ... Enfin, surtout au moment où la mouche se prend dans ces foutues branches !
    Pauvre pêcheur que je suis !
    P.S : par contre, la technique de casser le fil, de repèrer l endroit où la satané mouche est accrochée, de continuer à pêcher et d aller la récupérer après n'a jamais fonctionné ! Je n'en ai jamais retrouvé aucune.
    Pauvre pêcheur que je suis...

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  2. ...ma très chère Danaiisse, paumer une mouche n'a rien d'exceptionnel et ne doit surtout pas entraver votre motivation à faire monter le poisson !!!
    Avec le temps, il y aura de moins en moins de planante dans votre boite... promis !

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